Il y a peu, vous ignoriez tout de la malvoyance ; voici quelques réponses aux questions que vous vous posez et un panorama des réactions les plus fréquentes à l’annonce de la maladie.
De nombreuses erreurs sont énoncées sur la malvoyance et il vous est difficile de démêler le vrai du faux.
André P., 75 ans
Quand j’ai appris qu’il me restait 1/50e de vision à l’œil gauche et 1/10e à l’œil droit, j’ai cru avoir dilapidé mon « capital » visuel. Plongé dans un état de sidération, j’ai pensé devoir ménager ce qu’il me restait et qui était si précieux.
J’ai donc vécu plusieurs semaines les yeux à demi fermés ou avec un bandeau ; je n’osais pas tourner la tête ou les yeux de crainte de tout perdre.
Je considérais ce reste de vision comme tellement précieux que je devais, non seulement m’en contenter, mais l’économiser judicieusement pour qu’il dure le plus longtemps possible. Quel soulagement quand on m’a encouragé, au contraire, à l’utiliser au maximum !
L’annonce de la gravité de l’atteinte, son irréversibilité et l’expérience d’un certain nombre de renoncements ont un impact différent selon la personnalité et le mode de vie. Vous pourrez peut-être vous retrouver dans l’un ou l’autre de ces profils.
Bernard est resté pétrifié et incapable de réagir durant de longues semaines. Il n’arrivait plus à raisonner, à envisager des solutions de remplacement pour faire face aux difficultés de sa vie quotidienne. Il se répétait sans cesse « je n’y vois plus, je ne peux plus lire, écrire, me déplacer... »
Il osait à peine bouger, ne participait plus aux projets familiaux, se désintéressait de son entourage. A suivi la révolte : « Pourquoi cela m’arrive-t-il, à moi ? Je n’ai pas fait d’excès particuliers, j’ai eu une vie des plus normales, pourquoi moi ? »
Après la révolte, la panique : « Que vais-je devenir ? Comment me repérer dans cet environnement sombre, mouvant, où je ne reconnais plus rien ? »
Leila s’interroge sans cesse sur les erreurs commises, les imprudences faites ; elle se culpabilise continuellement : « Me suis-je trop exposée au soleil ? Ai-je lu de manière excessive à la lumière électrique ? Mon alimentation était-elle trop riche... ou trop pauvre ? » Sa culpabilité, la peur d’aggraver son état la rendent plus maladroite encore.
Jean est un homme énergique : il pense que son médecin n’est pas assez informé ou trop prudent. C’est donc à lui qu’incombe la tâche de rechercher le spécialiste et les médicaments capables de le guérir.
Son médecin lui affirme que c’est irréversible ? À l’époque de l’électronique, « on » doit trouver les méthodes et les produits nécessaires au rétablissement de ses facultés visuelles. Alors il multiplie consultations et examens, accumule les informations sur des remèdes ou des opérations « miracle ».
Ann, non seulement se décharge de toute tâche sur son entourage, mais demande toujours plus d’attention et de dévouement. Elle refuse tout effort ; elle se considère handicapée et exige que les autres soient à son entière disposition. Cette attitude masque sans doute son inquiétude de ne plus voir comme avant.
Rosa se néglige et, parfois, refuse de se laver : « À quoi bon vivre, dit-elle, qui me regardera maintenant ? » ; elle a jeté tous ses produits de maquillage, oublie de prendre des médicaments indispensables. Elle dit être dégoûtée d’elle-même, refuse obstinément de sortir et de rencontrer quiconque. Totalement submergée par la peur et les difficultés, Rosa sombre dans la dépression.
Alain affirme que sa vision est suffisante et qu’il peut continuer à conduire, à bricoler. Il s’est entaillé profondément un doigt ? Uniquement par distraction ! Il a renversé une barrière ? Parce qu’elle était mal signalée.
Alain prend des risques et déploie une grande énergie pour se prouver, et prouver à son entourage, que sa vision est sinon normale, du moins très acceptable. Quand sa famille lui suggère d’abandonner la conduite automobile, il se montre agressif... autant d’attitudes qui masquent sa peur.
Paule, après une période difficile, a décidé de se battre. Elle veut continuer à vivre plei¬nement sa vie familiale et sociale. Elle a entrepris une rééducation car elle veut abso¬lument retrouver autonomie et indépendance. Elle n’accepte que les aides indispensables et s’efforce de faire le maximum de choses elle- même. Inutile de la materner, de la protéger ; elle ne tient pas à des égards particuliers ni à un traitement de faveur. Elle a décidé d’oublier le plus souvent possible sa gêne visuelle et de la faire oublier aux autres, quelles qu’en soient les conséquences.
Parfois ces différentes phases se succèdent ou cohabitent ; chacune reflète de façon différente les difficultés ressenties.